Jumia inquiète, pendant qu'une nouvelle licorne africaine naît.

Jumia inquiète, pendant qu'une nouvelle licorne africaine naît.

Dossier : Jumia, faut-il s’inquiéter pour l’Amazon de l’Afrique ?

Après plus de 10 ans d’existence, la première licorne d’Afrique n’est toujours pas rentable. Jusqu’à quand peut elle continuer d’absorber ses pertes ?

Jumia est le principal acteur du commerce électronique en Afrique, avec plus de 3,1 millions d’utilisateurs actifs par trimestre. Son entrée en bourse en 2019 à New York, a permis de consolider sa place de première licorne (startup avec une valorisation dépassant le milliard de dollars) en Afrique.

Success story : Amazon of Africa

Africa Internet Group Incubée initialement dans l’Africa Internet Group, Jumia s’en est rapidement démarqué pour se positionner comme la plus belle promesse aux côtés de 70 autres sociétés. Après son lancement au Nigéria en 2012, plus 10 autres pays d’Afrique dans la foulée, et une première levée de fonds de 493 millions de dollars en 2016, AIG s’est transformé en Jumia Group. 3 années plus tard, Jumia a été cotée en bourse à New York. Malgré un tour supplémentaire de financement en 2021 à hauteur de 348.6 millions de dollars qui devait l’orienter vers la rentabilité, la société continue d’enregistrer année après année des pertes colossales. Pourquoi ?

Difficultés

Même si elle est leader du marché avec quasiment aucun concurrent, le nombre d’utilisateurs actuels au quotidien n’est pas suffisant pour permettre à l’entreprise d’enregistrer des bénéfices. Malgré une hausse du nombre d’utilisateurs et des commandes en continue, les analystes estiment qu’il faudrait beaucoup plus. 3,1 millions d’utilisateurs sur un marché de plus de 600 millions d’habitants, c’est peu. Il faudrait, selon ces mêmes analystes, 20 millions d’utilisateurs rien qu’au Nigeria, pour être rentable. Entre temps, après une bonne performance en 2019, l’action de Jumia a perdu 70% de sa valeur, le faisant passer d’une valorisation de 3 milliard de dollars à 250 millions aujourd’hui.

Limites du modèle

Avoir comme ambition principale d’être le Amazon d’Afrique est un piège pour Jumia. En témoigne, l’arrêt du programme Jumia Prime, qui calqué sur le modèle d’Amazon Prime offrait au travers d’un programme de fidélité, la livraison gratuite pour un abonnement mensuel de 7 $ par mois. Comme le reconnaîtront les responsables de Jumia, ce modèle n’est pas “adapté à l’environnement opérationnel actuel” et ne soutenait pas le “chemin vers la rentabilité”.

Beaucoup d’espoirs tout de même

Jumia est désespérément tourné vers la rentabilité. Après avoir fermé ses bureaux à Dubaï, arrêter ses opérations au Rwanda, en Tanzanie et au Cameroun, l’année 2022 devait être celle des premiers bénéfices. Même si cet objectif n’a pas été atteint (les résultats du quatrième trimestre n’ont pas encore été publiés), il y a différents motifs d’espoirs :

  • Son service de paiement interne, Jumia Pay a le vent en poupes ; le volume et la valeur des paiements ayant plus que doublé l’année dernière.
  • Un nouveau directeur général par intérim a été nommé, avec l’objectif de diminuer les coûts opérationnels de l’entreprise.
  • De nouveaux segments de croissance existent toujours, comme la possibilité d’offrir aux commerçants des outils et des logiciels pour gérer leur entreprise

Pour que Jumia gagne vraiment ses galons, il doit introduire des produits et des fonctionnalités qui ne figurent pas dans le modèle Amazon, en se basant sur le modèle de Shopify, par exemple.

Attention tout de même Le chemin pourrait être encore long ; il a bien fallu plus de 9 ans à Amazon pour atteindre le seuil de rentabilité, et Uber ne l’est toujours pas.

Entres Amazon qui planifie son installation au Nigéria et en Afrique du Sud, la réserve de cash qui est à son niveau le plus bas depuis longtemps, Jumia doit impérativement trouver le moyen de réduire ses coûts et augmenter ses bénéfices. Il le faut, car elle emploie plus 1 000 employés, travaille avec plus de 10 000 agents commerciaux indépendants et fait appel à plus de 350 partenaires logistiques tiers. Jumia a également aidé plus de 100 000 PME à se connecter en Afrique depuis sa création.

Il ne faudrait pas qu’elle suive l’exemple des cinquante-quatre pour cent des startups africaines fondées entre 2010 et 2018 qui ont fermé leurs portes.

Tech en Afrique

  • Amazon a inauguré un centre de données à Lagos, au Nigeria ; le premier de ce type en Afrique. L’intérêt principale est de rapprocher les infrastructures d’Amazon (stockage, bases de données et autres services AWS) des agglomérations. Les clients AWS pourront désornais sélectionner ce centre pour déployer des applications nécessitant une faible latence pour les utilisateurs finaux africains. Ce rapprochement peut également aider les clients opérant dans des secteurs réglementés tels que la santé et les services financiers de profiter de l’expertise dans le Cloud Computing d’Amazon tout en respectant les exigences de conservation des données dans une limite géographique. Cela devrait également entraîner une diminution des coûts du service, pour les startups africaines. L’Afrique est le continent avec le moins de centre de données par internaute, avec 86 centres de données contre 465 rien qu’au Royaume Uni.
  • A partir du 1er Mars 2023, le Kenya passe à l’émission de certificats de naissance et de décès numériques.. Après une nouvelle naissance, le nouveau citoyen obtiendra, un numéro personnel d’identification (UPI - Unique Personal Identifier). Ce numéro devient automatiquement l’identifiant de l’acte de naissance du concerné et il pourra l’utiliser tout au long de sa vie pour obtenir toutes les autres pièces d’identités et documents administratifs. Il servira également de numéro d’admission à l’école et de numéro d’index pour les examens nationaux. Enfin, en cas de décès, l’UPI servira également de numéro de certificat de décès. Cette initiative fait partie du plan nationale de digitalisation prévu sur 10 ans, qui devraient aboutir à la numérisation des services de l’Etat et faciliter leurs accès par les populations.
  • Le tribunal du travail du Kenya déclare que Meta peut être poursuivi au Kenya. Sama, l’ancien modérateur de contenus de Facebook, qui a également aidé à fine-tuner GPT3.5 pour réduire sa toxicité est avec Meta (Facebook) actuellement poursuivis au Kenya par un ancien modérateur pour préjudice psychologique suite à une exposition répétée à des contenus graphiques et dérangeants. Pour éviter de répondre de ses accusations, Meta avait argumenté ne pas être responsable de ces préjudices et surtout ne pas être domicilié au Kenya. Mais le juge président du tribunal du travail kényan, vient d’annoncer que tous les sociétés poursuivies dans cette affaire vont devoir répondre sans exception des accusations. La tourmente continue pour Facebook.

Techs

Seule nouvelle positive, Nintendo promet une augmentation de salaire de 10% à tous ses employés.

Apps

  • Google et Mozilla travaillent sur des versions de leurs navigateurs pour iOS sans WebKit. C’est une obligation imposée par Apple pour tous les navigateurs tournant sur l’IPhone et l’IPad : utiliser le même moteur de rendu que Safari, WebKit. Mais il semblerait que Google et Mozilla anticipe actuellement un changement de cette règle dû à l’entrée en vigueur du DMA européen. Des versions de Chrome sur IPhone avec Chromium et de Firefox avec Gecko sont donc actuellement en développement. La même DMA pourrait également obliger Apple a ouvrir son système à l’installation d’applications tierces (non issues du store). Wait and see.

Brèves

Kokou AGBAVON
Kokou AGBAVON Software engineer from Togo. Humanist. Africa future optimist. Child of internet.